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Réchauffement global: et si c'était pire?


Même les scientifiques s'y perdent et se trouvent dans une situation assez inédite: ils savent que le climat va changer, ils savent qu'il va changer de façon importante, donc inquiétante. Quant à savoir comment, c'est le brouillard total.

Sylvie Lasserre
Lundi 9 octobre 2006


L´élévation du niveau des mers attendue d´ici la fin du siècle se situe entre 9 et 88 cm, selon le rapport 2001 du GIEC. Sur la photo, l´océan s´immisce dans la couche de glace du Groenland.

Le réchauffement climatique semble bien mal maîtrisé. Alors que des moyens pharaoniques sont mis en œuvre pour tenter de mieux le comprendre, alors que des centaines de climatologues du monde entier coordonnent leurs recherches au sein d'un groupe intergouvernemental, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC, IPCC en anglais) – du jamais vu dans l'histoire d'une discipline scientifique – il reste de nombreuses zones d'ombre.

Les modèles n'expliquent pas tout. De récentes observations indiquent que la fonte des glaces sur le Groenland est beaucoup plus rapide que prévu. Sécheresses, canicules, ouragans, inondations... se succèdent à une cadence de plus en plus rapprochée. Dans la communauté scientifique, une rumeur commence à circuler: «Et si c'était pire?»

Hiver 2006. 14 février. Il pleut à Shishmaref, en Alaska. La température extérieure est de 2°C. «Normalement, il neige à cette époque et il fait entre – 23 et -30°C», déplore un habitant. Le village aura bientôt disparu, victime du réchauffement global. Inexorablement, les maisons tombent dans la mer les unes après les autres. «Le village sera sous l'eau dans une dizaine d'années», prévoit cet homme. La terre sur laquelle sont construites les habitations – le pergélisol ou sol gelé en permanence – fond tel un morceau de sucre imbibé d'eau. Shishmaref n'est pas un cas unique. Deux cents autres villages du nord du cercle polaire Arctique sont ainsi menacés, en Alaska, au Canada et en Russie.

Eté 2006. Trois ans à peine après 2003, année brûlante pour l'ensemble de la planète, les records absolus de température pleuvent à nouveau: 35°C en Belgique, 36°C en Grande-Bretagne, 39°C en Allemagne, 40°C en France, 37°C en Autriche, la mer à 30°C à Marseille... Les Etats-Unis, toujours sous le choc de l'ouragan Katrina, enregistrent des pointes à 45°C dans le Nevada et 49°C en Californie. L'Australie connaît son été austral le plus chaud, avec des pics à 45°C...

Les vagues de chaleur déconcertent par leur durée, anormalement longue. La cause? Les météorologues en sont désormais certains: le réchauffement climatique. 1947, 1976, 2003, 2006... La cadence des aberrations climatiques augmente. Sécheresses, canicules, tempêtes se feront-elles plus fréquentes, au point de devenir «normales»? Faut-il craindre des «hypercanicules» telles que l'homme devra modifier radicalement ses habitudes de vie?

Si les populations s'étonnent de ces catastrophes à répétition, les politiques, eux, sont alertés depuis longtemps, grâce notamment aux rapports du GIEC. Pas moins de 5000 scientifiques du monde entier participent à l'élaboration de ces documents: climatologues, mathématiciens, glaciologues, paléoclimatologues, spécialistes des nuages, spécialistes des océans, biologistes, dynamiciens de l'atmosphère... Dans les derniers rapports, qui datent de 2001, tout est dit déjà des aléas climatiques que nous sommes en train de vivre, amplement détaillés sur un millier de pages, de manière quasiment visionnaire. Les prochains rapports, auxquels travaillent d'arrache-pied les experts, paraîtront en 2007.

Le GIEC prévoit une augmentation moyenne de la température comprise entre 1,4 et 5,8°C d'ici à la fin du siècle, un chiffre qui dépend des quantités de gaz à effet de serre émises dans l'atmosphère. L'augmentation serait plus prononcée aux pôles qu'à l'équateur: «L'évolution du climat dans la région polaire devrait être une des plus accentuées du globe», indique le rapport 2001. Un réchauffement moyen de 5°C, par exemple, se traduit par une augmentation de 10°C au pôle et de 4°C à l'équateur. Tout cela est en train de se vérifier.

Pour parvenir à de telles prévisions, les chercheurs mobilisent les calculateurs les plus puissants de la planète. Simuler le climat jusqu'en 2100 prend de neuf à douze mois. Malgré le gigantisme des moyens mis en œuvre, les prévisions conservent des zones d'ombre. Combien de temps l'océan pourra-t-il encore absorber le dioxyde de carbone? Et la végétation? Quel sera l'effet des nuages? celui des glaciers? S'ajoute à ces questions la difficulté de démêler la part anthropique (due aux activités de l'homme) de la part naturelle dans les fluctuations climatiques – une incertitude qui a longtemps servi les détracteurs du réchauffement global.

Depuis la nuit des temps, le climat varie de façon naturelle et très importante, selon des cycles encore mal compris. Edouard Bard, paléoclimatologue, est titulaire de la chaire sur «l'évolution du climat et de l'océan» au Collège de France, qu'il a créée en 2001. Sa mission? Tenter de reconstituer l'histoire du climat pour mieux comprendre les phénomènes actuels. «Nous travaillons à partir de sédiments marins et lacustres. Récemment, nous avons mené une campagne de carottage au large de Tahiti pour prélever des forages dans des coraux à différentes profondeurs. Nous travaillons aussi en collaboration avec des glaciologues.»

Ces archives permettent de remonter dans le temps. «Nous observons d'abord des fluctuations très lentes, qui reviennent avec une cyclicité de l'ordre de 20 000, 40 000, 100 000 ans, liées à l'astronomie, aux changements de l'orbite terrestre... C'est ce qui génère en particulier le phénomène des glaciations. De plus, le climat glaciaire présente des instabilités majeures. Une vingtaine de fluctuations se sont produites entre 10 000 et 100 000 ans avant nous», précise le paléoclimatologue. Depuis, un calme relatif, ponctué de légères variations qui reviennent tous les 1000 à 2000 ans, règne sur la Terre. Lors de ces petites oscillations, un réchauffement très rapide, d'une durée de quelques mois à quelques années, succède à un refroidissement plus lent.

Ces fluctuations, récemment découvertes, ont permis de révéler l'existence du lien entre le climat et l'océan. «Il existe un couplage très fort entre la circulation profonde de l'Atlantique et le climat en Europe et au Groenland», explique Edouard Bard. Lorsque de grandes quantités d'eau douce sont injectées dans l'océan – comme c'est le cas en Atlantique nord par exemple, avec la fonte des glaciers – l'eau n'est plus assez lourde pour plonger dans les profondeurs marines et continuer d'alimenter la circulation naturelle de l'océan profond. Le courant ralentit alors jusqu'à s'arrêter, ce qui affecte le climat en provoquant un refroidissement important de l'Europe. C'est une des réactions paradoxales du réchauffement.

Depuis le début de l'ère industrielle, le climat n'a pas connu de variation significative, ce qui explique sans doute l'apparente incapacité de l'homme à s'envisager dans un environnement naturel hostile et menaçant. Pourtant, la dernière manifestation d'une fluctuation – très faible cependant à l'échelle de l'histoire de la terre – n'est pas si lointaine. Au XIIe siècle, le nord de l'Europe connaissait un climat tempéré, l'«optimum médiéval». Le Groenland – le pays vert – était alors une terre prospère.

Mais entre 1550 et 1850, un «petit âge glaciaire» sévit sur la région nord atlantique. Hivers très rigoureux, famines... La colonie des Vikings établie au Groenland fut entièrement décimée. La France ne fut pas épargnée: on estime à 2 millions le nombre de victimes entre 1693 et 1694. Pourtant, il ne s'agissait que d'une diminution d'un degré en moyenne. Un tout petit degré...

Et un degré en plus? Selon le GIEC, au-delà de 1,5°C, des conséquences terribles sont à craindre. C'est un plafond que les scientifiques recommandent de ne pas dépasser. Que prévoit le rapport 2001? «Augmentation moyenne comprise entre 1,4 et 5,8°C.» La tendance qui se profile serait de 4°C. Quant au rapport 2007... Top secret. Les résultats ne seront pas publiés avant le printemps 2007. La hausse de température prévue serait «un peu» supérieure à celle des rapports 2001. Un peu... «Un degré à peine...» dévoile un des auteurs, sous le couvert de l'anonymat.

Sécheresses, vagues de chaleur meurtrières, catastrophes naturelles, progression des déserts, inondations, coulées de boue, montée du niveau de la mer, fonte des glaciers, incendies gigantesques, disparition des forêts, déplacement des espèces animales et végétales vers des latitudes plus tempérées, famines, prolifération des maladies tropicales, exodes... A en juger par les catastrophes à répétition de ces dernières années, la machine est en route.

Confirmation supplémentaire de cette marche inexorable: la débandade des glaciers. Le 17 février 2006, une publication dans la revue Science secoue la communauté scientifique. Les auteurs, Eric Rignot, glaciologue au Jet Propulsion Laboratory de la NASA, et Pannir Kanagaratnam, chercheur au Centre de télésurveillance des calottes polaires de l'Université du Kansas, annoncent une accélération de la vitesse des glaciers et de la fonte des glaces du Groenland beaucoup plus rapide que prévu.

«Ce qui nous a surpris, ce n'est pas tant le fait que les glaciers accélèrent mais plutôt la rapidité avec laquelle ils le font. C'est assez impressionnant! Je m'attendais à une accélération de 20 à 40%, or nous avons vu des glaciers accélérer jusqu'à huit fois [donc 700%!]. En certains endroits, leur vitesse est passée de 300 à 2500 mètres par an. Et ce n'est pas un phénomène isolé, tous les glaciers accélèrent en même temps!» relate Eric Rignot.

Pour le chercheur, les modèles du GIEC sont trop optimistes. «Cela fait plusieurs années que je le dis: les modèles ne sont pas réalistes car ils ne prennent pas en compte les processus qui contrôlent l'écoulement des glaciers!» déplore le glaciologue. «C'est arrivé à un stade où... les résultats... je ne sais pas s'ils valent grand-chose. C'est un point de départ mais cela ne vaut pas grand-chose.»

Une telle accélération des glaciers peut avoir des conséquences majeures. Le niveau des mers pourrait s'élever beaucoup plus rapidement que prévu. Pire, la circulation de l'océan profond ralentirait jusqu'à s'arrêter. «Cela peut même survenir en deux ou trois ans», indique Eric Rignot. L'expert fait allusion à des phénomènes très mal maîtrisés: les «changements abrupts». «Ce sont des phénomènes de rupture par lesquels un système se retrouve brutalement dans une autre situation passé un certain seuil.» C'est ce qui risque d'arriver, affirme-t-il, si le Groenland continue à fondre comme il le fait.

Edouard Bard tempère un peu: «Il faudrait avoir une vue à plus long terme de ce phénomène, sur dix ans par exemple, pour voir si l'augmentation du taux de fonte au Groenland va effectivement perdurer.» Reste donc à savoir si nous passerons ce seuil et quand. Avant la fin du siècle? Après? Là encore, aucun scientifique ne peut se prononcer. Ce n'est pas dans les modèles.

Mais alors, si nous passons ce seuil, la température en Europe chutera-t-elle comme dans le film Le Jour d'après de Roland Emmerich, où New York est brutalement plongée dans un nouvel âge glaciaire? «C'est une des controverses. Disons que cela se réchauffera moins qu'ailleurs, suppose Edouard Bard. Mais nous ne sommes pas dans les mêmes conditions que lors des grandes variations du passé. Toutes les fluctuations liées à l'arrêt de la circulation de l'océan ont eu lieu pendant la glaciation. Or, aujourd'hui, indépendamment du réchauffement lié à l'activité humaine, nous traversons aussi une période de réchauffement naturel. C'est une situation inédite.»

Tentons de nous rassurer un peu... C'est déjà arrivé dans l'histoire de la planète, non? «Oui il y a 120 000 ans, la planète était presque aussi chaude que maintenant et la calotte glaciaire était réduite, explique Edouard Bard. Mais ce qui me semble différent aujourd'hui c'est que la fonte semble arriver beaucoup plus vite. Or nous n'avons pas acquis suffisamment de connaissances sur ce qui s'est passé à cette époque lointaine pour savoir comment les choses se dérouleront maintenant. Nous sommes pris de vitesse!»

Ce que confirme Hervé Le Treut, directeur du Laboratoire de météorologie dynamique de l'Institut-Pierre-Simon Laplace (IPSL) et professeur à l'Ecole polytechnique: «La connaissance du milieu glaciaire n'est pas aussi fine qu'on le pensait, la manière dont le glacier fond n'est pas tout à fait celle qui était anticipée. Les modèles ne sont pas de bons outils dans ce cas précis. Nous ne pouvons malheureusement réfléchir à ces choses-là que de manière conceptuelle.»

Faut-il craindre alors une élévation du niveau des mers plus importante que prévu? La fourchette annoncée dans le rapport 2001 du GIEC est comprise entre 9 et 88 cm d'ici à 2100. «La tendance qui se dessine actuellement est une élévation de l'ordre de 50 cm, précise Hervé Le Treut qui ajoute: à condition que la fonte du Groenland ne se révèle pas plus rapide que ce que l'on pensait.» Or c'est précisément le cas! Compte tenu des toutes récentes observations d'Eric Rignot, quelle sera l'élévation du niveau des mers d'ici à la fin du siècle? «C'est difficile à dire...» 1m50? 2 m? Plus? «Non... a priori non...» hésite le chercheur.

On le voit, modéliser le climat n'est pas une affaire simple. D'autant qu'il faut aussi compter avec ses composantes lentes, difficiles à comprendre. Hervé Le Treut l'admet: «Nous en sommes un peu réduits à des conjectures d'homme de la rue. Le système climatique comporte des composantes qui évoluent rapidement, comme l'atmosphère et l'océan superficiel, que l'on sait assez bien modéliser, et des composantes beaucoup plus lentes, telles que l'océan profond, la fonte des glaciers, la couverture végétale... Celles-ci commencent à sortir du cadre de nos modèles.» Il faut savoir que ces composantes lentes peuvent conduire à des changements abrupts du climat...

La réponse de la végétation, de l'océan ou des glaciers peut se révéler explosive. A long terme, la réaction de ces éléments est difficile à prévoir. Hervé Le Treut l'atteste: «Certains processus ne sont pas pris en compte dans les modèles. La végétation, par exemple, absorbe actuellement une grande partie du gaz carbonique (le CO 2) de nature anthropique. Mais avec le réchauffement de la terre, cette capacité pourrait diminuer. Conséquence, une augmentation de CO 2 supérieure à ce que prévoient les scénarios.» Son équipe a fait les calculs: cela peut encore aggraver le réchauffement de 1 à 4°C. Quatre degrés ajoutés à ceux prévus par le GIEC, cela commence à faire froid dans le dos...

Pareil pour l'océan: combien de temps pourra-t-il encore absorber le gaz carbonique émis par les hommes? Nul ne le sait. L'océan pompe aujourd'hui plus du quart du CO 2 rejeté dans l'atmosphère. Mais cette capacité à réguler l'effet de serre devrait s'affaiblir à l'avenir. Une fois saturé, l'océan ne pourra plus emmagasiner de CO 2. Facteur aggravant, la solubilité du gaz carbonique chute avec l'augmentation de la température des eaux de surface. A cause du ralentissement de la circulation océanique, le transport du carbone vers l'énorme réservoir que constitue l'océan profond deviendra de plus en plus difficile.

Quant aux nuages, leur importance est cruciale. On sait qu'il y aura davantage de vapeur d'eau dans l'atmosphère, donc de nuages. Les cirrus en altitude, ces longs filaments qui rendent le ciel laiteux, ont tendance à surchauffer l'atmosphère, un peu comme sous une serre. Les nuages bas au contraire arrêtent les rayons du soleil et contribuent au refroidissement des couches d'air au sol. Y aura-t-il plus de nuages hauts ou de nuages bas? Personne n'est capable de le dire. Les modèles ne permettent pas une représentation des nuages suffisamment précise...

Même les spécialistes des modèles s'y perdent un peu. Quand on demande à Jean-Louis Dufresne, responsable de l'équipe «Modélisation du climat et étude du changement climatique» de l'IPSL à Paris, son avis sur les récentes observations d'Eric Rignot au Groenland, il admet: «Le retrait des glaciers est supérieur à ce que nous calculons.» Et la fiabilité des modèles? «Pareil. Il est possible que nous sous-estimions un peu la variabilité de certaines propriétés des nuages ou des cyclones. Alors, soit nous sommes en présence d'une variabilité naturelle mais on la sous-estime, ce qui veut dire qu'il y a quelque chose que l'on ne connaît pas, soit on sous-estime l'effet du changement climatique et là aussi cela veut dire qu'il y a quelque chose que l'on ne connaît pas. Oui... Nous ignorons la vraie cause de ces phénomènes.» Le chercheur semble perplexe: «Et si c'était donc pire?»

La sonnette d'alarme a été tirée bien avant 2001. A quoi bon alors dépenser tant d'efforts et d'argent pour l'élaboration de nouveaux rapports pour le GIEC? Michael Ghil, directeur du Département Terre Atmosphère Océan (TAO) de l'Ecole normale supérieure de Paris, ne croit pas à l'utilité de la poursuite des travaux. Selon lui, autant les premiers rapports, parus en 1990 et auxquels il a participé, ont été très utiles car ils représentaient un bilan des connaissances de l'époque, autant les suivants n'apportent pas grand-chose.

Ce qu'atteste Jean-Louis Dufresne: «Pour le rapport 2007, beaucoup de choses se confirment.» Le chercheur semble inquiet: «Nous sommes dans une situation assez bizarre: nous savons que le climat va changer, nous savons qu'il va changer de façon importante. Quant à savoir comment, c'est le brouillard total. Toutefois, nous en savons suffisamment pour dire stop aux émissions de gaz à effet de serre. Mais cette décision ne relève pas des scientifiques.»

Certains Etats, producteurs ou gros consommateurs de pétrole, profitent de ces incertitudes pour protéger leurs intérêts. C'est le cas des Etats-Unis, qui n'entendent pas mettre en péril leur croissance par la diminution des rejets de gaz carbonique de leurs industries. Le cas de l'Arabie saoudite aussi, premier producteur mondial de pétrole.

Un scientifique, qui tient à rester anonyme, caricature non sans humour les réunions de la Conférence des parties, la plus haute autorité de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, chargée de mettre en place l'effort intergouvernemental pour faire face au défi posé par les changements climatiques. «Chaque fois que la Conférence des Parties se réunit, raconte-t-il, le représentant saoudien bloque tout! Son argument est: Qui me prouve qu'il y a un réchauffement global d'origine anthropique? C'est ridicule, chaque assemblée se transforme en un effort désespéré pour tenter de lui prouver qu'il se trompe. Pour le convaincre, les scientifiques passent de plus en plus de temps à faire des simulations de plus en plus complexes alors que cela devient de plus en plus inutile...» Ceci prêterait plutôt à rire si la mise en œuvre du Protocole de Kyoto ne dépendait pas, justement, des décisions prises lors de ces conférences. C'est un temps précieux qui se perd.

Les premiers effets du réchauffement climatique sont déjà visibles. Partout le désert avance. En Chine, des villages disparaissent sous les sables. Les famines causées par les sécheresses se multiplient en Afrique subsaharienne. Les incendies grignotent les forêts, de l'Australie au Canada en passant par l'Europe. A Shishmaref, les maisons encore debout ont été déplacées à l'intérieur des terres. Dans le Pacifique, les îles les plus basses sont déjà affectées par la montée des eaux. Vanuatu, la première, a évacué un village en 2005. Viendra fatalement le tour des atolls de Tuvalu, puis celui des Maldives, etc.

A la Réunion, on songe déjà à reconstruire plus haut une route littorale. Les Pays-Bas se préparent à rehausser leurs digues. Selon le GIEC, si rien n'est fait, les conséquences de l'élévation du niveau de la mer «seront désastreuses» pour les grands deltas: Bangladesh, Mékong, Nil, Mississipi, et les zones côtières où vivent des millions de personnes, principalement installées dans les nombreuses métropoles: Tokyo, La Haye, Calcutta, Bombay, Los Angeles, Shanghai, New York...

Le processus migratoire est déjà enclenché. En témoigne l'afflux grandissant de migrants d'Afrique et d'Amérique centrale vers l'Europe et les Etats-Unis. L'ONU met en garde contre le risque de migrations encore plus massives. Selon l'organisation, 20millions de personnes auraient déjà été amenées à quitter leur lieu de résidence et, d'ici à 2010, 50 millions d'humains devront fuir les régions où ils vivent. Le statut de «réfugié environnemental» est en passe d'être créé par les Nations unies.

Une autre organisation, Christian Aid, s'est penchée sur les conséquences du réchauffement climatique sur les plus démunis. Dans un rapport de 2006, elle indique que le réchauffement risque de tuer des dizaines de millions d'habitants dans les pays pauvres d'ici à la fin du siècle et prévoit que 185 millions de personnes périront des conséquences du réchauffement global en Afrique subsaharienne. Des dizaines de millions de déplacés se retrouveront sans abri ni possibilité de cultiver pour se nourrir.

Le temps presse. Il faut réduire au moins de moitié les émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, les Etats se limitent à des ajustements insignifiants. L'administration Bush n'a consenti à diminuer ses rejets que de 7%. Or les Etats-Unis sont le premier pays émetteur avec près d'un quart des émissions mondiales de dioxyde de carbone. Ajoutez à cela l'éveil de la Chine, deuxième pays émetteur, de l'Inde et du Brésil. L'Energy Information Administration (EIA), l'agence gouvernementale américaine de l'énergie, vient d'annoncer que les émissions mondiales de dioxyde de carbone augmenteront encore de 75% entre 2003 et 2030. On le voit, ni le militantisme ni les efforts des médias pour sensibiliser l'opinion publique n'ont d'effet. Faudra-t-il attendre que l'humanité ait épuisé toutes les réserves de pétrole de la Terre?

Des personnalités politiques et scientifiques commencent enfin à s'alerter. Al Gore, ancien vice-président des Etats-Unis, et Paul Crutzen, Prix Nobel de chimie 1995, ont pris l'étendard. Dans un récent entretien à la revue La Recherche, Paul Crutzen propose une solution d'urgence, «pour le cas où le réchauffement climatique se révélerait plus brutal que prévu». De quoi s'agit-il? Larguer un million de tonnes de soufre dans l'atmosphère! Ciel! Hélas... il ne s'agit pas de science-fiction. Le Prix Nobel s'explique: «Il est possible que nous ayons sous-estimé le réchauffement climatique à venir.»



 

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